Comité stratégique Il fera date s’il y a action !
Le groupe d’experts chargé par Val’hor de réfléchir à l’avenir a fait des propositions intéressantes, en particulier dans le rapport producteur/acheteur.
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Lancé en mai dernier, alors que la crise battait encore son plein, le Comité stratégique de Val’hor a rendu sa copie récemment. Le contenu de sa réflexion a été dévoilé lors de l’assemblée générale de l’interprofession, le 14 octobre. L’objectif de ce groupe de travail, réunissant vingt personnes issues des différents collèges composant la filière mais n’étant pas ou plus élus au sein de Val’hor (Le Lien horticole n° 1096 de juin, page 12) était d’imaginer « quels pouvaient être, au bénéfice de la filière horticole française, les grands axes de travail post-Covid ». Sous la présidence de Benoît Ganem, qui a précédé Mikaël Mercier à la tête de Val’hor, les membres de ce groupe ont cherché comment « tout faire pour retrouver la production française », alors que la crise a « mis en exergue les nombreuses failles de l’organisation de la filière et le poids très hétérogène de l’offre française selon les produits ».
Le rapport rendu par le Comité stratégique liste d’emblée les faiblesses du secteur : « fragilité économique de la production, dépendance structurelle envers l’importation, manque de performance logistique, gestion moyennement optimisée et digitalisée des flux, place peu prioritaire du végétal dans nos politiques et enfin pratiques encore trop opportunistes dans les relations commerciales ». Mais la donne sociétale change : place du végétal dans le cadre de vie renforcée par la crise, davantage de demande pour des produits locaux… La filière peut répondre à ces attentes, avec des leviers qui répondent à quatre enjeux : produire, moderniser, recruter et végétaliser.
Relever le défi de la numérisation
Le Comité insiste sur la nécessité de relever le défi de la numérisation, pour faciliter à l’aval l’accès à l’offre française. Des outils existent, tels que Floriscope et Végéstock, déjà abondamment décrits dans Le Lien horticole, mais ils n’ont pas atteint une taille critique suffisante. La création d’une plateforme nationale permettrait d’éviter que la faible performance logistique française compromette les marges.
Quant à la végétalisation, l’idée est d’offrir à tous les citoyens un accès à des jardins et espaces de verdure en influant sur des outils de type plan local d’urbanisme (PLU) et éviter l’imperméabilisation des sols, proposer des balcons et terrasses pour tous les appartements avec accès à l’eau obligatoire, créer des lieux d’accès partagés au végétal… Tendanciellement, ces idées existent déjà dans les villes ou les collectivités, qui ont bien avancé sur le sujet, même si elles méritent d’être généralisées.
La partie « recrutement » du rapport du Comité recèle des idées plus innovantes. Ainsi, les professionnels imaginent la création d’une ferme pilote « Fleurs de France », un projet démultipliable ayant pour but d’installer des jeunes en transmettant les savoirs alors qu’une vague importante de départs à la retraite est attendue, en structurant et en augmentant l’offre française ou en sécurisant certaines productions, comme les jeunes plants. Il est aussi proposé de soutenir l’investissement par des moyens humains (mentors) ou financiers (organisation des financements, création et mobilisation de fonds ad hoc...). L’objectif d’une dizaine de fermes à dix ans est avancé.
Le Comité propose aussi de renforcer la communication auprès des jeunes apprenants, en mettant en avant la pluralité du métier, la pénibilité amoindrie, ou en donnant du sens au travers des concepts de nature et d’environnement. Une communication qui doit passer par des outils modernes : vidéos, réseaux sociaux, etc.
Sécuriser le producteur, le payer plus vite
Mais c’est sans conteste sur le premier axe de travail, la production, que les professionnels du Comité ont le plus ignoré les tabous. Ils évoquent tout haut ce que les producteurs disent bien souvent tout bas, leur prise de risque, leur dépendance vis-à-vis de l’aval. Pas d’idées révolutionnaires, donc, mais une vraie volonté semble-t-il de mettre le doigt sur ce qui fait régulièrement mal au sein de la filière.
Dans les deux actions remarquables évoquées, la première ne propose rien moins que « d’encadrer le respect des engagements amont-aval, avoir une rémunération juste et soutenue ». Pour sécuriser une production atomisée « qui n’a pas atteint la taille critique pour de nombreux produits », deux voies sont avancées : « sécurité du débouché souvent accompagné d’une marge réduite pour le producteur » ou « une valorisation supérieure pour le producteur qui finance une prise de risque importante face aux marchés aléatoires ». Les leviers donnés comme solutions : un contrat-cadre au sein de la filière qui définirait volumes, prix, qualité, etc., soit un socle structurant. Cela pourrait prendre la forme d’un contrat de culture, à condition de ne priver personne d’engagements spécifiques consentis entre producteurs et acheteurs ; engager une réflexion sur les RFA (les fameuses « marges arrière ») ; inciter au paiement plus rapide des livraisons, à 30 ou 45 jours au lieu de 60 actuellement, sont aussi évoqués, tout comme le fait de donner plus de considération à la provenance (bas carbone) qu’au prix.
La seconde action proposée par le Comité stratégique dans le volet « produire » est la dynamisation du label Fleurs de France. Soulignant qu’il n’y a pas encore assez de production française labellisée, le rapport invite à trouver des leviers pour recruter des producteurs, à travailler sur le schéma de financement et le cahier des charges… Et à mieux informer le consommateur.
Ces pistes d’assainissement ont le mérite d’admettre entre les lignes que la prise de risque repose surtout du côté de la production. Mais celle-ci attend un véritable passage à l’acte. S’il a lieu, « grâce » à la crise sanitaire, on pourra alors dire qu’à toute chose malheur est bon, même s’il est dommage que ce soit une telle circonstance qui pousse la filière à s’entendre…
Pascal FayollePour accéder à l'ensembles nos offres :